Le Traité de Mbé plus connu sous l’appellation « Traité Makoko/De Brazza » est un évènement important dans l’Histoire de la République du Congo. D’abord, parce qu’il entérine la domination coloniale de la France, mais aussi parce que la « signature » de ce traité à des conséquences géopolitiques importantes qui conduiront à l’exacerbation de la course à la domination coloniale sur le continent africain.
Le contexte géopolitique de l’Europe précoloniale
La rencontre de l’Afrique avec l’impérialisme colonial fut brutale, délimitée dans un temps relativement court entre 1880 et la première décennie du XXe siècle. Bien sûr, avant 1880, les Européens commençaient à percevoir ou à imaginer l’importance de l’enjeu africain. La colonisation intervient dans un moment historique dans lequel l’Europe fait face à une mauvaise conjoncture économique. En effet, on constate sur le continent une tendance très forte à la stagnation ou à la baisse des prix et des profits industriels, une rémunération moindre des capitaux placés, où encore l’étroitisation relative des marchés intérieurs. Le contexte économique à lui seul ne suffit pas expliquer la colonisation, il faut lui ajouter la naissance d’un nationalisme effarouché entre les Etats. La victoire de l’Allemagne sur la France en 1871 suscite en réaction un nationalisme revanchard toutes tendances politiques confondues (droite, gauche) et par ricochet un chauvinisme dans toute l’Europe. Tout cela, sans exclure les considérations stratégiques qui ont conduit la Grande-Bretagne à l’occupation du Cap et aussi la France à l’adoption de la politique des points d’appuis. Selon certains auteurs, l’occupation du Canal de Suez en 1869 par les britanniques seraient le catalyseur de la compétition internationale en Afrique. Cette occupation intervient au moment où la France occupe la Tunisie. La France qui avait creusé le canal de Suez et qui avait encore de grands intérêts dans cette zone, perçue cet acte comme une humiliation. C’est dans ce contexte de tension que Pierre Savorgnan de Brazza va s’illustrer…
La signature du Traité de Mbé
Nous ne connaîtrons peut-être jamais les conditions réelles de la signature de ce traité qui continuent de susciter le doute au sein des congolais… Hélas, pendant que la France et la Grande-Bretagne sont au bras de fer en Egypte, « l’affaire du Congo » se déclenche, le Congo sera le 3ème lieu de la lutte impérialiste et sûrement le plus décisif. Jusque vers 1875, la présence de la France sur les côtes du Congo et du Gabon est encore faible.
Dans l’embouchure du fleuve Congo, théoriquement portugaise, un grand nombre de maisons de commerce se disputaient les parts d’un commerce très actif. Si elle avait le contrôle juridique et politique des côtés gabonaises, la plus grande partie du commerce passait entre les mains des Anglais, au point qu’elle avait négocié avec le Royaume-Uni un échange entre le Gabon et la Gambie. Après une première mission dans les bassins de l’Ogooué et de l’Alima (1875-1879) qui lui valut un début de célébrité en France et dans son pays d’origine, l’Italie, Pierre Savorgnan De Brazza
reparut en Afrique équatoriale d’où il ramena un traité signé avec le « Roi Makoko ». Ce traité fût signé le 10 Septembre 1880 dans des conditions douteuses, les différences culturelles et linguistiques entre les trois intervenants à savoir le Makoko locuteur du téké, Savorgnan De Brazza qui parlait français et le Sergent Malamine qui parlait lui wolof et français suscite l’interrogation sur la pertinence des échanges et du Traité signé.
Dans la masse énorme des traités et accords signés entre européens et chefs africains, ce traité ne revêtait aucune originalité ni aucune importance. La signature de cet accord provoqua une vague de réaction au sein de la classe politique française. Sous la pression de l’opinion publique, la chambre des députés le ratifia à l’unanimité deux ans plus tard, le 22 Novembre 1882. Ce fut la première fois qu’en France, où jusqu’alors on s’était contenté de ratifications par simple décret, on eut recours à cette procédure solennelle pour un traité signé avec un chef noir.
Les implications du Traité de Mbé
La France s’accapare du Congo, en revanche à l’occupation britannique en Egypte. Les réponses des autres chancelleries européennes fussent diverses. Le Portugal qui revendiquait ses « droits historiques » sur l’embouchure du fleuve Congo redoubla d’ardeur en Afrique en centrale. La Grande-Bretagne quant à elle s’inquiète de l’instauration d’un protectionnisme français ruineux dans cette zone. A son tour Léopold II jusqu’à alors sceptique sur l’entreprise coloniale qu’il trouvait couteuse pour l’Etat, décida à son tour d’obtenir son bout d’Afrique. Enfin, Bismarck choisit ce moment pour jouer les arbitres et ainsi organiser la tristement célèbre conférence de Berlin qui décida du sort de l’Afrique. L’occupation du Congo par le biais du Traité de Mbé fut donc l’élément qui accéléra la course à la conisation.
Hugues-Alexandre CASTANOU, HISTOIRE DU CONGO